CHAPITRE 05 Fusions et acquisitions publiques
Acquisition non sollicitée (ou « hostile ») Les offres publiques d’achat non sollicitées ou « hostiles » visant des sociétés ouvertes canadiennes ne sont pas rares. Elles visent à contourner le conseil d’administration de la société cible et à soumettre l’offre directement aux actionnaires. Une offre publique d’achat est habituellement le seul type d’opération envisageable lors d’une acquisition non sollicitée, car, en l’absence du soutien du conseil d’administration de la société cible, l’initiateur ne peut demander, pour le compte de la société cible, l’approbation d’un plan d’arrangement par le tribunal, ni ne peut convoquer aisément une assemblée des actionnaires dans le but d’obtenir leur approbation à l’égard d’un plan d’arrangement ou d’une fusion. Contrairement à ce qui se produit dans le cas d’une acquisition négociée, l’initiateur qui lance une offre non sollicitée n’a pas accès aux renseignements confidentiels qui lui permettraient d’effectuer un contrôle diligent et ne peut compter sur la collaboration de la société cible au moment de soumettre l’acquisition à l’approbation des organismes de réglementation. D’un point de vue statistique, lorsqu’une société ouverte canadienne est la cible d’une offre publique d’achat non sollicitée lancée par un premier initiateur, il en résulte un changement de contrôle dans environ 40 % des cas. De toutes ces opérations, l’initiateur initial (à l’inverse d’un « chevalier blanc ») devient ultimement l’acquéreur dans environ 30 % des cas. Néanmoins, dans de nombreux cas, bien que l’offre publique d’achat puisse d’abord être non sollicitée, la société cible peut ultérieurement consentir à une opération négociée, par exemple si l’initiateur propose une augmentation du prix d’offre. Par le passé, la réalisation au Canada d’une offre publique d’achat non sollicitée était considérablement plus facile et prenait beaucoup moins de temps qu’aux États-Unis, car il existait moins de défenses, notamment structurelles, au Canada qu’aux États-Unis. Des modifications apportées en 2016 au régime canadien des offres publiques d’achat ont cependant rendu plus difficile la réalisation d’une offre non sollicitée, principalement en raison de l’allongement de la période de validité de l’offre, qui est passée de 35 jours à 105 jours. Par ailleurs, les sociétés ouvertes canadiennes
se contentent très rarement de simplement refuser une offre non sollicitée, contrairement à celles des États-Unis. Comme les sociétés cibles canadiennes ne peuvent avoir recours à des défenses structurelles sur une longue période, le succès d’une offre non sollicitée est intimement lié à la capacité de la société cible d’obtenir une proposition supérieure d’un tiers acquéreur ou de convaincre les actionnaires de rejeter l’offre. Le plus souvent, la société canadienne qui fait l’objet d’une offre publique d’achat non sollicitée réagit en menant un processus d’enchères ou en sondant le marché afin de recueillir des propositions supérieures. À l’occasion, la société cible peut chercher à accroître la valeur pour les actionnaires par d’autres moyens, comme une restructuration du capital, une scission ou une alliance stratégique. Toute tactique de défense qui empêche les actionnaires de répondre à une offre ou qui limite considérablement leur capacité de le faire fera vraisemblablement l’objet d’un examen par les autorités en valeurs mobilières au Canada. Le principal mécanisme de défense dont disposent les sociétés ouvertes au Canada est le régime de droits des actionnaires, aussi appelé « pilule empoisonnée ». Parfois, les sociétés disposent déjà d’un régime de droits, mais elles peuvent également en adopter un à titre de stratégie en réponse à une offre non sollicitée. L’initiateur d’une offre non sollicitée aux prises avec un régime de droits doit généralement demander aux autorités en valeurs mobilières du Canada d’invalider le régime en question afin de donner aux actionnaires la possibilité d’examiner l’offre. Les autorités accèdent habituellement à la demande dans les 45 à 70 jours suivant le lancement de l’offre, lorsque le régime ne répond plus à son objectif légitime qui consiste à permettre à la société cible de trouver des solutions de rechange à l’offre non sollicitée. Par conséquent, au Canada (à la différence des États-Unis), les régimes de droits des actionnaires n’ont pas servi à faire rempart contre les offres non sollicitées. L’allongement de la période de validité minimale de l’offre, qui est maintenant de 105 jours, donne aux sociétés cibles plus de temps que sous l’ancien régime pour évaluer les solutions de rechange et tenter de réaliser d’autres opérations; de plus, comme cette période de validité doit être prolongée d’au moins 10 jours par la suite, il est peu probable que le recours aux régimes soit autorisé afin de repousser de nouveau le délai au cours duquel les
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