Pour déterminer si l’attente de la partie intéressée était raisonnable, le tribunal prend en considération : les pratiques commerciales courantes, la nature de la société, les rapports entre les parties, les pratiques antérieures, les mesures préventives qu’aurait pu prendre le plaignant, les déclarations et conventions, ainsi que la conciliation équitable des intérêts opposés de parties intéressées 52 . Lorsqu’une société est insolvable et que son capital n’est pas suffisant pour régler les réclamations de tous les ayants droit, le risque est plus grand que les parties concernées estiment que leurs attentes légitimes n’ont pas été satisfaites. Les administrateurs devraient mettre en place les dispositifs nécessaires à des communications constructives continues avec les principaux groupes de parties intéressées et veiller à ce que ces groupes soient tenus au courant de l’orientation stratégique de la société. La Cour suprême du Canada a déclaré que la responsabilité personnelle est plus susceptible d’être engagée si l’administrateur a agi de mauvaise foi, a joué un rôle actif dans l’adoption de la conduite visée et a personnellement bénéficié de la conduite ou de l’opération en question 53 . Le tribunal fera normalement preuve de retenue à l’égard d’une décision du conseil prise selon son « appréciation commerciale » dans la mesure où celle-ci s’inscrit dans un « éventail de solutions raisonnables possibles 54 ». Les actions dérivées présentent un intérêt tout particulier pour les sociétés cotées en bourse. Elles permettent à un actionnaire de la société de se mettre à la place de celle-ci et de demander un redressement en son nom si le tribunal l’y autorise. L’actionnaire doit établir : 1) que l’émetteur a été victime d’un acte fautif ou inapproprié, 2) que le redressement demandé est dans l’intérêt de l’émetteur, et 3) que l’actionnaire n’a pas d’intérêt personnel particulièrement touché par la conduite fautive 55 . Dans un contexte d’insolvabilité, une action dérivée peut être pertinente si les actionnaires ont des raisons de croire que les difficultés financières de la société sont le résultat d’une mauvaise gestion plutôt que des circonstances. Les actions dérivées et les actions pour abus sont semblables à bien des égards et peuvent être intentées simultanément, comme l’a démontré l’affaire Ernst & Young v Essar Global Fund Limited 56 . Ernst & Young, le contrôleur d’une société placée sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (la « LACC »), a entamé une action pour abus contre Essar Global Fund Limited, affirmant que celle-ci avait exercé un contrôle de fait sur la société dans le but de prioriser ses intérêts 57 . Essar a fait valoir qu’Ernst & Young aurait dû intenter une action dérivée étant donné que l’action appartenait à la société débitrice 58 . La Cour d’appel de l’Ontario a rejeté cet argument et statué qu’une action pour abus et une action dérivée auraient toutes deux été appropriées dans les circonstances, la conduite d’Essar ayant porté préjudice à la fois à la société et à ses actionnaires 59 .
Lorsqu’une société est insolvable et que son capital n’est pas suffisant pour régler les réclamations de tous les ayants droit, le risque est plus grand que les parties concernées estiment que leurs attentes légitimes n’ont pas été satisfaites. Les administrateurs devraient mettre en place les dispositifs nécessaires à des communications constructives continues avec les principaux groupes de parties intéressées et veiller à ce que ces groupes soient tenus au courant de l’orientation stratégique de la société.
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Rapport sur la gouvernance 2020
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