CONTEXTE
Il sera intéressant de voir si ces éléments de la décision du Tribunal dans l’affaire Riot Platforms susciteront davantage de litiges concernant des plans de droits des actionnaires novateurs et stratégiques, y compris dans le secteur de l’activisme, où les plans pourraient être utilisés pour empêcher les activistes d’augmenter leur propriété de titres et de se regrouper.
Le 24 juillet 2024, le Tribunal a interdit les opérations visant le plan de droits des actionnaires adopté par Bitfarms Ltd. (« Bitfarms ») à la suite d’une plainte déposée par un actionnaire important de Bitfarms, Riot Platforms Inc. (« Riot »). Le plan de droits se distinguait par son seuil minimal de détention d’actions de 15 %, nettement inférieur au seuil quasi universel de 20 % couramment utilisé par les sociétés ouvertes canadiennes. En 2023 et en 2024, Riot a présenté diverses propositions confidentielles à Bitfarms concernant un éventuel regroupement de leurs deux entreprises; ces démarches n’ont pas abouti. Au premier semestre de 2024, Riot a acquis une position restreinte représentant presque 15 % des actions ordinaires en circulation de Bitfarms et a demandé que soit convoquée une assemblée extraordinaire des actionnaires de Bitfarms afin d’y proposer des candidats aux postes d’administrateur de Bitfarms. En réponse à cette demande, Bitfarms a adopté le plan de droits sur le fondement que le seuil de 15 % était nécessaire pour protéger l’intégrité de son processus de révision stratégique en cours. Aux termes de la législation canadienne en valeurs mobilières, un actionnaire peut acquérir jusqu’à concurrence de 19,9 % des actions d’une société ouverte sans déclencher l’application des règles relatives aux offres publiques d’achat. L’obligation formelle de faire une offre à tous les actionnaires, ainsi que les protections prévues par la réglementation qui y sont associées, ne s’imposent que lorsqu’un actionnaire atteint ou dépasse le seuil de 20 %. Le seuil de 20 % est la pierre angulaire du régime canadien des offres publiques d’achat depuis environ 60 ans, malgré les nombreux changements apportés à d’autres aspects des règles, y compris à l’occasion d’une révision en 2016. CRITÈRE POUR LA DÉLIVRANCE D’UNE ORDONNANCE FONDÉE SUR L’INTÉRÊT PUBLIC DANS LE CONTEXTE D’UN PLAN DE DROITS DES ACTIONNAIRES Bien que la législation canadienne en valeurs mobilières ne régisse pas les plans de droits des actionnaires en tant que tels, il est souvent demandé aux autorités en valeurs mobilières de s’appuyer sur leur compétence en matière d’intérêt public pour interdire les plans qui sont contestés par les actionnaires ou les acquéreurs potentiels parce qu’ils minent la réglementation canadienne sur les offres publiques d’achat, même lorsque l’émetteur n’a enfreint aucune loi. Jusqu’à l’affaire Riot Platforms , on ne savait pas exactement à quelle occasion et pour quelles raisons les autorités de réglementation interviendraient pour examiner le bien-fondé d’un plan de droits, ce qui laissait d’importantes questions en suspens pour les émetteurs, les acquéreurs et leurs conseillers.
Or, dans l’affaire Riot Platforms , le Tribunal a défini les critères selon lesquels l’examen fondé sur l’intérêt public doit être effectué. Le Tribunal a conclu qu’il est dans l’intérêt public d’interdire les opérations visant un plan de droits des actionnaires qui ne contrevient pas par ailleurs à la législation ontarienne en valeurs mobilières si (i) le demandeur démontre que le plan porte atteinte, d’une manière « [ traduction ] réelle et importante » et avec un « effet public », à un ou à plusieurs des principes directeurs nettement manifestes qui sous-tendent la législation ontarienne en valeurs mobilières, et (ii) l’intimé ne fait pas la preuve de circonstances exceptionnelles qui justifieraient le maintien du plan. Bien que le Tribunal ait conclu que, en l’espèce, le plan de droits devait faire l’objet d’une interdiction d’opérations, il a également indiqué qu’un plan de droits des actionnaires prévoyant un seuil inférieur à 20 % pourrait être autorisé dans des circonstances exceptionnelles. Le Tribunal a laissé entendre que ces circonstances pourraient comprendre le comportement de l’initiateur, le fait que l’initiateur ait obtenu une participation lui permettant de bloquer toute offre concurrente ou le fait que l’émetteur apporte une preuve crédible qu’il a entamé un véritable processus d’examen stratégique ou qu’une opération génératrice de valeur est imminente. Il sera intéressant de voir si ces éléments de la décision du Tribunal susciteront davantage de litiges concernant des plans de droits des actionnaires novateurs et stratégiques, y compris dans le secteur de l’activisme, où les plans pourraient être utilisés pour empêcher les activistes d’augmenter leur propriété de titres et de se regrouper. Pour plus de détails concernant la décision du Tribunal, veuillez consulter notre bulletin intitulé Le Tribunal des marchés financiers établit un nouveau cadre pour l’examen des pilules empoisonnées .
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Rapport sur la gouvernance 2024
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