Rapport sur la gouvernance 2025: La double obligation...

administrateur désigné par un actionnaire ayant envers la société les mêmes obligations que tous les autres membres du conseil. Au Canada, ces obligations comprennent l’obligation fiduciaire d’agir dans l’intérêt supérieur de la société et impliquent que, en toutes circonstances, le candidat doit exercer son jugement indépendant et subordonner les intérêts de l’actionnaire qui l’a désigné à ceux de la société. S’il y avait eu des preuves que les intérêts du fonds divergeaient de ceux des autres actionnaires de la société (par exemple, si le fonds s’était senti obligé de vendre la société en 2017 « [TRADUCTION] peu importe les conséquences (et le prix) »), les administrateurs désignés n’auraient probablement pas bénéficié de la déférence judiciaire à l’égard de leur jugement commercial, et il aurait été prudent de veiller à ce que le processus de vente soit supervisé par des administrateurs indépendants. À cet égard, l’affaire Manti Holdings sert de mise en garde : le conseil doit s’assurer que le processus de vente n’est pas vicié par la participation ou l’influence d’administrateurs se trouvant en situation de conflit d’intérêts, et l’administrateur désigné doit se demander si sa participation à l’opération est opportune compte tenu du conflit d’intérêts (réel ou perçu) qui pourrait découler de son lien avec l’actionnaire qui l’a désigné. Les conflits peuvent se manifester de manière flagrante ou plus subtile, et il incombe au conseil d’administration et à l’administrateur désigné de s’efforcer constamment de les déceler et de les gérer.

Vendre maintenant ou attendre une meilleure occasion? En l’absence d’une opération entachée par un conflit, c’est précisément une question qui relève du jugement commercial », a conclu la Cour 1 . La double obligation fiduciaire au Canada : mise en garde Bien qu’elle ait refusé de conclure que les administrateurs en question se trouvaient en situation de conflit d’intérêts, la Cour a été très claire quant au dilemme auquel est confronté un administrateur qui a des obligations de loyauté envers l’actionnaire qui l’a désigné : [TRADUCTION] En tant qu’administrateurs de [la société] et en tant que directeurs généraux et dirigeants du [fonds], les [administrateurs désignés] avaient des obligations fiduciaires à la fois envers le [fonds] et [la société]. Si les intérêts des bénéficiaires des obligations fiduciaires concordent, il n’y a pas de conflit. Mais si ces intérêts divergent, le débiteur de ces obligations est confronté à un conflit d’intérêts inhérent 2 . Le droit du Delaware et le droit canadien sont harmonisés à cet égard. Le droit canadien n’établit pas de distinction entre les responsabilités d’un administrateur désigné par un actionnaire et celles d’un administrateur désigné par la direction, un

1   Le principal argument du demandeur était que l’opération devait être soumise à la norme de contrôle de l’équité totale ( entire fairness ), un niveau de contrôle judiciaire rigoureux au Delaware selon lequel les administrateurs de la société concernée doivent prouver le caractère équitable tant du prix que du processus de l’opération. Aux termes du droit du Delaware, une opération dans laquelle un actionnaire contrôlant (tel que le fonds, en l’occurrence) bénéficie d’un avantage exclusif (tel que la sortie opportune de la société dans laquelle le fonds a investi, comme le prétendait le demandeur) sera généralement soumise à un contrôle de l’équité totale, à moins que certaines procédures de gouvernance ne soient respectées (telles que l’approbation par les membres indépendants du conseil d’administration et l’approbation par la majorité des actionnaires minoritaires). Comme les représentants n’étaient pas indépendants du fonds, ils auraient eux-mêmes été soumis à la norme de l’équité totale si la Cour avait conclu que les intérêts du fonds divergeaient de ceux de l’entité émettrice et de ses actionnaires : « [TRADUCTION] En l’espèce, [le fonds] est un actionnaire contrôlant, mais il n’est pas confronté à un conflit d’intérêts qui déclenche le contrôle de l’équité totale. À ce titre, les [administrateurs désignés par le fonds] n’étaient pas incités à vendre [la société] à un prix inférieur à sa juste valeur afin d’obtenir un avantage exclusif pour le [fonds], car aucun avantage de ce type n’est démontré dans le dossier. »

2   Voir les motifs de la Cour concernant la requête en irrecevabilité présentée par les défendeurs (citations internes omises).

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Rapport sur la gouvernance 2025

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